Accessibilité des musées aux personnes handicapées

La Fondation Claude Verdan (musée de la main) invite à la découverte de l’un de nos cinq sens: le toucher. J’ai fait la visite avec Delphine, sourde depuis la naissance.

Delphine a la vingtaine et un diplôme d’architecte de l’EPFL en poche. Elle fréquente régulièrement les lieux culturels de la région lausannoise. Je l’ai d’ailleurs rencontrée tour à tour dans un musée, au cinéma, puis au théâtre. Naïvement, je pensais que son handicap l’empêcherait de fréquenter tous ces lieux.

Je l’invite à boire un verre avant notre visite au musée de la main. Assises à la terrasse de Bourg Plage, nous discutons des difficultés que pose sa surdité dans la vie de tous les jours. Avec un peu de patience, la communication se fait sans accro: lorsque je parle, elle lit sur mes lèvres. Lorsqu’elle prend la parole, son articulation est un peu biaisée par son handicap mais je la comprends presque parfaitement. Pour les mots difficiles, l’écriture reste la solution la plus simple. «Il y a un gros problème d’accessibilité à la culture pour les handicapés, me dit-elle, parce que généralement, on ne pense qu’aux personnes en chaise roulante. Pourtant il est possible de souffrir d’autres handicaps: être mal voyant, être sourd, avoir une déficience intellectuelle». Au fil de la conversation, nos verres se vident. Il est temps d’aller au musée.

L’exposition TOUCH a été conçue conjointement par le MUDAC et la Fondation Claude Verdan. Petit tour d’horizon (en vidéo) de qui nous est proposé:

Delphine et moi n’en avons vu qu’une partie. J’ai recueilli ses impressions à la fin de notre visite.

Thy: Viens-tu souvent au musée de la main?

Delphine: Oui, une fois par année en  moyenne. Et immanquablement à la nuit des musées.

T: Comment trouves-tu la nouvelle exposition?

D: Globalement j’ai bien aimé. J’ai un petit coup de cœur pour les installations artistiques et scientifiques à l’étage supérieur (nb: on y trouve des ordinateurs, des Ipads et autres objets électroniques que le visiteurs peut manipuler. Il y a aussi des vidéos expliquant l’application de ces interfaces dans la vie de tous les jours). Pouvoir manipuler ces objets que l’on ne trouve pas ailleurs est une chance. Mais je regrette deux choses: le manque de clarté dans les explications écrites pour la manipulation, et l’absence de sous-titre pour certaines vidéos. Sans sous-titre, le contenu de ces vidéos est inaccessible pour les malentendants et les sourds.

T: Par rapport à ton handicap, as-tu trouvé l’exposition accessible?

D: En grande partie oui, sauf pour les installations qui requièrent l’ouïe, et les vidéos sans sous-titre. Des explications écrites sont souhaitées.

T: Penses-tu que les personnes handicapées fréquentent souvent les lieux culturels?

D: Non je ne pense pas. En fait, il y a un véritable cercle vicieux: d’un côté les sourds ne pensent pas à aller au théâtre, ils se disent: «c’est pas pour moi», et d’un autre côté, les musées et les théâtres ne font rien pour encourager les personnes handicapées à fréquenter ces endroits. C’est un paradoxe car ces lieux doivent être ouverts à tout public.

Les activités culturelles sont très limitées pour les sourds, mais avec des petits riens, des mesures qui ne coûtent pas grand chose, on peut ouvrir la culture à ses personnes sourdes, par exemple, mettre des sous-titres à toutes les vidéos, ça ferait beaucoup.

Pour plus d’information sur l’aménagement pour les handicapé au musée, voici un petit reportage radio réalisé pendant l’atelier radio 2013 et posté sur le site de l’AJM (académie du journalisme et des médias)

http://www2.unine.ch/maj/page-10329_fr.html;jsessionid=9E68243A31B7D6DB344AAA253B459621.corvus1

  1. #1 by baumgartnerk on November 10, 2012 - 14:46

    Quelle belle leçon de communication, et d’amitié!

  2. #2 by Alban on November 11, 2012 - 17:21

    Bel article ! Permet de nous poser des questions qu’on oublie souvent de se poser et de nous mettre à la place de personnes qui perçoivent le monde de manière différente. Est-ce que cet article est envoyé aux musées Lausannois (entre autres) ?

    • #3 by Alban on November 11, 2012 - 17:21

      Et nous donne envie d’aller voir l’expo aussi en passant !

  3. #4 by Camille on November 12, 2012 - 21:02

    Très intéressant de voir un regard différent sur une exposition que je connais si bien (y travaillant tout les week end).! Cet article permet de penser à des petits détails importants pour des personnes handicapées que l’on a tendance à oublier.

  4. #5 by Jeanne on November 13, 2012 - 14:41

    Bravo pour cet article fort intéressant !
    Je souligne le fait que le Musée de la Main est en fait un cas particulier puisqu’il se veut interactif et tout public, et que ses expositions reposent souvent sur l’un ou plusieurs de nos cinq sens… De tous les musée lausannois, il doit être le seul (avec peut-être le musée romain) qui soit appréciable pour un aveugle, tandis qu’il doit être un des rares à faire tant appel à l’ouïe, et donc à faire de la surdité un handicap dans ses murs. Le sous-titrage des vidéos éliminerait déjà 50% du problème, c’est certain !

    Amitiés 🙂

  5. #6 by Sébastien on November 13, 2012 - 20:27

    C’est vrai qu’au musée de la main il y a déjà les explications des expo en braille pour les non voyants, et je pense qu’il faut continuer dans ce sens pour rendre le musée accessible le plus possible et ce, quelque soit l’handicape des personnes…

  6. #7 by catherineburki on November 14, 2012 - 15:43

    J’imagine que ça a dû être super enrichissant de faire la visite avec cette personne.

  7. #8 by fabienfeissli on November 15, 2012 - 10:43

    A quand une exposition uniquement en braille pour que les “voyants” se rendent comptent de ce que ressentent les autres?

  1. Revue de Presse Numérique Culturel / Novembre 2012

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